Dungeon Master
Dungeon Master, le premier album d’Englehorn chez Secret City Records, est un opus d’outsider éclaboussé d’esprit dadaïste — un mélange ludique d’isolement, d’aliénation et de TOC doux. Surprenant, paranoïaque, ponctué de synthétiseurs et de cordes, Dungeon Master est plus profond qu’une cave et plus brut qu’une massue — une entrée en matière frissonnante pour un artiste enfin arrivé à maturité.
« J’ai laissé mon subconscient prendre le volant, » admet Gus, et à l’écoute de ces 10 morceaux, il devient difficile de ne pas faire pareil : s’abandonner comme un chien dans un rêve à deux pattes, comme une pêcheuse avec son filet, ou comme un snowboardeur la bouche pleine de poudreuse.
Avant d’enregistrer cet album dans une cabane au fond des bois, Gus vivait à Salt Lake City, en Utah, où il est tombé amoureux au premier regard d’une Québécoise, Estée Preda, qui joue de la batterie comme Moe Tucker sous salvia. À l’époque, Gus était snowboardeur professionnel — parcourant le monde en tant que talent aussi étrange qu’exceptionnel, enchaînant figures et vidéos, dévalant les pentes en lunettes sponsorisées.
Avant cela, il vivait à Hawaï — hors réseau, sur un champ de lave avec ses parents. Et encore avant, en Alaska — dans le hameau de Ninilchik, où ses parents pêchaient le saumon, pendant que lui et ses frères mangeaient du wapiti et de la pizza, jouaient à la Nintendo, et se prenaient pour des sorciers.
Depuis presque toujours — des couchers de soleil de Big Island aux pistes enneigées de l’Utah — Gus rêvait de devenir auteur-compositeur. S’il ne pouvait être Dylan, il serait peut-être Daniel Johnston, ou Frank Black et les Pixies, ou encore Darby Crash et The Germs. Et lorsqu’il a finalement émergé — d’abord avec Death & Transfiguration en 2020, puis avec ce premier album sur un label à 34 ans — il avait trouvé une sonorité sombre et envoûtante, joyeuse et démente, pleine de dynamiques et de la frénésie d’une guitare hystérique.