Mercure en mai
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Mercure en mai, l’excellent douzième album de Daniel Bélanger, s’inscrit dans la veine ludique et introspective de son répertoire. Des mots attentifs aux étonnements, au soudain, à ces « petites Californies » qui dorment au fond de nous; des musiques naviguant entre le minimal et le luxuriant, avec motifs en boomerangs et passages secrets : tout ici raconte l’impromptu, ce qui échappe aux agendas et à la raison.
Par une froide matinée de février 2021, au cœur de la énième vague pandémique, Daniel Bélanger déambulait sur une rue du quartier Mile-Ex. Les mains au fond des poches, la tête dans les épaules, il était perplexe devant les mille et une conséquences de l’urgence sanitaire et en particulier devant l’impossibilité de s’asseoir au chaud dans un café, comme il aime tant le faire.
Après un arrêt à un comptoir où il a ses habitudes, où il venait de commander un latte pour emporter, il a reconnu quelqu’un parmi un petit groupe de badauds agglutinés autour d’un banc public. Salutations, présentation aux uns et aux autres, début de discussion : Daniel Bélanger ne le savait pas encore, mais il venait de se faire de véritables amis, avec qui, à coup d’échanges autour d’un gobelet fumant, il a traversé les semaines de confinement qui s’amorçaient.
La chanson Soleil levant est née de cette rencontre-là, « entre un café et une bonne conversation », à « refaire le monde une fin à la fois ». On pourrait même dire que chacun des dix titres de Mercure en mai provient d’un tel hasard, comme un fruit de l’inattendu. Des mots attentifs aux étonnements, au soudain, à ces « petites Californies » qui dorment au fond de nous; des musiques naviguant entre le minimal et le luxuriant, avec motifs en boomerangs et passages secrets : tout ici raconte l’impromptu, ce qui échappe aux agendas et à la raison.
Si la précision d’orfèvre de ses productions peut donner l’impression que tout, chez Daniel Bélanger, est réfléchi et cadré, ce serait plutôt le contraire… « Les chansons s’imposent à moi, dit-il, je suis le premier étonné du chemin sur lequel elles me mènent. » Le rockabilly Chic de ville (2013), l’onirique Paloma (2016), le cinématographique Travelling (2020), chacun de ses disques est un exercice de liberté, au fond, guidé par l’intuition et dont il ne comprend tout à fait la substance que quelques années plus tard. Cette fois encore, c’est au gré des jours et des rues que l’auteur-compositeur a glané la matière première de ses chansons, assurément influencé par la crise sanitaire que nous venons de traverser et le besoin d’évasion qu’elle a semé en chacun de nous.
Il y a Joie, qui nous parle de grandes vagues intérieures, de leur « diamant liquide » qui monte droit au cœur. Il y a Dormir dans l’auto, qui célèbre « la fin de la dormance et le début de l’espérance ». Des éveils à l’instant, des échappées belles, des incursions en territoire instrumental (Oh no !!!, Hiatus) : le douzième album de Daniel Bélanger s’inscrit dans la veine ludique et introspective de son répertoire, tout en proposant une photo de là où on se trouve collectivement, avec notre soif d’ailleurs, d’envols, notre besoin de battre le pavé.
À ses côtés, une équipe légère formée de Guillaume Doiron (basse) et Robbie Kuster (batterie), qui ont fait quelques arrêts au studio de Daniel avant que Pierre Girard n’assure le mixage de ce Mercure en mai hypnotisant, la bouffée d’oxygène dont nous avions toutes et tous besoin.