« Notre-Dame-des-Sept-Douleurs est un lieu qui existe géographiquement, mais aussi un endroit qui existe dans mon esprit. Quand j’étais enfant, on passait devant le panneau...
« Notre-Dame-des-Sept-Douleurs est un lieu qui existe géographiquement, mais aussi un endroit qui existe dans mon esprit. Quand j’étais enfant, on passait devant le panneau annonçant le village en voyageant de Sainte-Anne-des-Monts à Rivière-Ouelle. Chaque fois que je le voyais, je détournais les yeux et je frissonnais d’horreur. Ce nom me terrifiait. J’imaginais un village mourant, avec des maisons tristes, des rues vides et des chaises grinçantes qui se balançaient encore avec la mémoire des déserteurs.
Et maintenant, après de nombreuses années de surmenage, je me suis retrouvée exactement dans cet endroit. Au milieu de toutes mes angoisses, ne sachant plus qui j’étais, encaissant les coups et me détestant plus que quiconque. Un épais brouillard s’était installé dans ma tête, avec un ciel noir et opaque. Je vivais désormais sur cette île que j'avais bâtie ou imaginée seule. J’étais couchée dans le noir sur le lit de l’arc-en-ciel.
Puis, en août 2019, alors que je commençais à retrouver mes repères, j’ai décidé de visiter Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, le vrai village. La première chose que j’ai découverte fut très significative : c’est en fait une île. J’ai pris le traversier et je suis arrivée dans un endroit idyllique. Un village aux routes de terre, comptant à peine 35 habitants, dont les âmes n’ont pas été perverties ou souillées par l’homme. Un village sans dépanneur ni station-service. Un lieu superbe. Avec des arbres, des fleurs, un phare, des maisons colorées en bois, et des poissons dont la chair, d’une pureté telle, dépassait ma propre définition de la couleur “rose”.
Peu à peu, j’ai traversé ce village que j’avais imaginé enfant, et j’espère ne jamais y retourner. Désormais, j’irai au vrai Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, où je mangerai du poisson qui sent la rivière et dont la couleur me laisse songeuse. »
— Klô Pelgag